violence

De l'agriculture à l'inégalité

Note de lecture

« Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire », de Jean-Paul Demoule, Fayard, nov. 2017

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Suivre la conférence sur le même thème du 10 octobre 2017 aux Rendez-vous de l'histoire de Blois

Avec son livre paru en octobre 2017, intitulé « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire, quand on inventa l'agriculture, la guerre et les chefs », Jean-Paul Demoule vient insister sur cette période du Néolithique qui a forgé les sociétés inégalitaires dans lesquelles nous vivons désormais.

Rupture d'égalité

Giuseppe_Bartolomeo_Chiari_-_Susannah_and_the_Elders_-_Walters_371880.jpgLe harcèlement sexuel des femmes fait la une de la presse ces jours-ci. Divers cas de personnalités masculines, en situation de pouvoir, sont « balancés », provoquant émotion et indignation, prises de position politiques, mobilisations citoyennes qui réclament un plan d'urgence contre les violences sexuelles. 

En Europe, Eurostat a recensé 215.000 agressions sexuelles pour 2015, dont 80.000 viols avec 90 % de femmes victimes et 99 % d'hommes auteurs emprisonnés. Eurostat ne connaît que les plaintes, pas les agressions qui ne sont pas dénoncées.

La violence sexuelle, le harcèlement de rue ou lié à une position de pouvoir, sont une partie de la violence générale imposée aux femmes pour les reléguer en seconde position, dans tous les plans de la société. Cette « seconde position » n'est pas un état naturel mais une situation culturelle complètement intériorisée par les deux sexes. S'en affranchir demande une forte dose d'énergie à chacun et à chacune, énergie mentale, énergie de résistance au qu'en-dira-t-on et aux habitus sociaux, énergie d'acquisition de savoirs et énergie de transformation des comportements. En fait, c'est dur et cette difficulté même agit comme force d'inertie pour que rien ne change. Les lois sur la parité en sont un exemple, l'égalité des droits n'est pas une égalité dans les faits.
Cette violence générale est celle qui est nécessaire pour la constitution d'une inégalité fondamentale, autour de laquelle notre monde est organisé : une inégalité structurelle entre les femmes et les hommes. C'est une rupture d'égalité qui est, à mon avis et au niveau où j'en suis dans mes recherches, le fondement de toute inégalité. Si j'emploie le terme « violence » c'est parce que qu'aucune inégalité ne se crée sans recours à la force, toute domination suppose une contrainte. L'émergence des sociétés inégalitaires au Néolithique, période où la domination de la femme devient explicite, en apporte la preuve.

Le choc de la libéralisation

Avec le gouvernement actuel, il n'y a pas que le montant des APL qui baisse. Les impôts baissent aussi, de 11 milliards. 11 milliards au total, si on tient compte des hausses de 2,6 milliards (tabac, fiscalité écologique) et des baisses par ailleurs de 13,5 milliards. Sur ces 13,5 milliards de baisses des impôts, certaines ont été décidées par le gouvernement précédent : 4,5 milliards pour les entreprises (taux du CICE qui passe de 6 à 7 %, crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires qui baisse d'un demi-point). Le gouvernement y ajoute 7 autres milliards : une baisse du prélèvement forfaitaire unique sur le capital, la suppression d'une première tranche de taxe d'habitation et la suppression de l'ISF, l'impôt sur la fortune, 3 milliards chacune.

Le Néolithique, la violence et l'inégalité

375px-Da_Vinci_Vitruve_Luc_Viatour.jpgL'humanité est-elle une espèce violente où la majorité de ses membres sont naturellement soumis à un dominant ? C'est l'idée qui fait sens commun et tout le monde a en tête, parce que cela a été répété au son du tam-tam chaque jour et chaque nuit pendant au moins dix générations, la "loi du plus fort" comme le "contrat social". Une idée simple : sans une force de contrainte on va tous s'égorger mutuellement, car à "l'état de nature" les individus n'ont aucun frein. L'idée de "contrat social" suppose que les individus sont naturellement libres mais comme cette liberté mène au désordre, alors les individus passent un contrat pour se limiter eux-mêmes et instituer une autorité qui fera régner l'ordre.
Alors même que Hobbes pense que "le plus fort", s'il cherche à s'imposer, sera éliminé par les plus faibles qui se regroupent, la notion a été reprise par ce qu'on nomme le darwinisme social, qui en a fait un moteur de l'évolution des espèces - ce que Darwin n'a jamais prétendu. Ainsi, ce seraient les plus forts qui feraient évoluer les espèces et les espèces les plus fortes qui seraient vainqueuses(*) dans la concurrence pour la survie.
 

La révolution néolithique - Jean-Paul Demoule

Note de lecture

La révolution néolithique, Jean-Paul Demoule, Éditions le Pommier et Éditions de la Cité des Sciences et de l'Industrie, 2015 (1ère édition 2008)

J'ai envie de commencer cette note de lecture par le paragraphe de conclusion du livre, qui résume finalement les leçons que l'on peut tirer de l'observation de l'histoire de la néolithisation des sociétés humaines : « On présente aujourd'hui la croissance indéfinie et le libéralisme économique mondialisé comme le seul horizon désormais possible et pensable, imposé par une sorte de loi naturelle transcendante. L'archéologie et l'histoire nous montrent l'exemple de trajets et de choix bien plus variés et complexes. Elles nous montrent aussi qu'il a existé de mauvais choix – ceux des Mayas ou des Pascuans, par exemple. Elles nous montrent finalement qu'il n'est pas interdit de réfléchir sur nos choix actuels, voire de les infléchir » (p. 127).

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Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage

ReservesPetroleVenezuela.pngLa géostratégie sudaméricaine n'est pas dans mes compétences, mais je constate que depuis une dizaine d'années arrivent au pouvoir des gens inattendus dans beaucoup de ces pays. Un pays oligarchique comme le Brésil a élu Lula, un ouvrier métallurgiste, à la présidence de la république fédérale, en Bolivie c'est aussi un syndicaliste, Evo Morales, d'ascendance amérindienne qui est président. Il est ami d'Hugo Chavez, plusieurs fois président du Vénézuela et dont on a d'autant plus entendu parler qu'il s'est attaqué de front à des monopoles et oligopoles et qu'il a mis en place des politiques sociales avec la rente pétrolière de son pays. J'apprends dans la Wikipedia que "Le Venezuela a ainsi conforté pendant le mandat de Chavez sa position de pays le moins inégalitaire d'Amérique du Sud", ce qui n'est pas rien dans ce continent. En Équateur ce sont des présidents de gauche qui se succèdent avec Rafael Correa puis Lenin Moreno. En Uruguay c'est José Mujica, un guérillero des Tupamaros, qui devient président de la République. Nombre de ces dirigeants ont connu les geôles des dictatures, parfois la torture.