discrimination

Sur l'admission des femmes au droit de cité

Nicolas_de_Condorcet.PNGNicolas  de Condorcet a pris des positions sur l'égalité qui allaient à contre-courant de son époque - et qui peuvent sembler anachroniques dans sa position. 
Dans les conseils à sa fille il fournit une des meilleures définitions de l'empathie (sans dire le mot, qui n'existait pas encore) quand il lui parle de « Cette douce sensibilité, qui peut être une source de bonheur, a pour origine première ce sentiment naturel qui nous fait partager la douleur de tout être sensible » et ce "sentiment naturel" est le fondement d'une relation d'égalité entre tous les êtres humains, il le rappelle à sa fille lorsqu'il lui conseille d'être généreuse en lui disant : « n'oublie jamais que celui qui reçoit est par la nature l'égal de celui qui donne ». Il insiste ainsi dans cette égalité par nature, qui n'est pas l'égalité en droits, uniquement en droits, jamais dans les faits, et qui sert de paravent aux inégalités sociales injustifiables autrement que par l'apparence d'une juste place liée aux mérites et aux talents individuels.
C'est toute la discussion de ce texte sur l'admission des femmes au droit de cité, où il réfute les causes individuelles par de subtiles comparaisons entre les incompétences réelles de certains hommes, qui ne les empêchent pas d'exercer des fonctions de pouvoir, et les incapacités supposées des femmes qui légitiment leur exclusion, dans les discours des hommes.
Alors qu'il était établi dans la société de son époque qu'il y avait une différence de nature entre les hommes et les femmes, théorisée en particulier par Rousseau dans L'Émile ou De l'éducation, Condorcet insiste sur les capacités différentes créées par une éducation discriminatoire, voire par l'absence d'accès des femmes à une éducation. Ce sujet sera également au cœur de sa réflexion sur l'école publique.
Son postulat est que l'égalité est le seul ordre naturel. Et il montre paragraphe après paragraphe que l'inégalité est socialement construite. Ce qu'il montre ici pour les femmes peut être étendu, avec le même raisonnement, à toutes les autres inégalités ou discriminations et cela semble être son propos lorsqu'il parle des lois absurdes et barbares du garde des sceaux d’Armenonville.
Ce texte sur l'admission des femmes au droit de cité reste d'actualité plus de 200 ans après avoir été rédigé, y compris parmi nous, dans la France du XXIème siècle, où l'égalité est trop souvent associée à la notion de complémentarité (qui rend la femme toujours seconde) ou à des considérations économiques, lorsqu'on la justifie par sa "rentabilité" en étudiant les effets de la mixité dans les entreprises, comme le montre en particulier Réjane Sénac.
 

Stephen, un homme d'ailleurs et d'ici

 
J'ai cherché des illustrations pour mes billets sur l'empathie et sur l'image de l'Autre. Il fallait quelque chose pour accompagner les descriptions de Frans de Waal sur notre penchant à la coopération et quelque chose pour illustrer les propos de Marylène Patou-Mathis sur l'infériorisation du « Sauvage ». Et je suis tombé sur cette vidéo de Stephen (il précise que c'est son « nom anglais » parce que son nom, son identité, lui-même ce n'est pas ça, mais il ne dit d'ailleurs pas quel nom il a dans la culture aborigène : où l'on voit que l'acculturation est d'abord une négation de soi).