Glanages, #2

C'est l'été, les congés payés des travailleurs, cette semaine de l'après 14-juillet est une des quatre semaines où le banlieusard peut aller à Paris sans craindre les bouchons de l'A4. Enfin presque, parce qu'il y a des travaux. Et aussi il fait trop chaud pour glâner, on est mieux sous les frondaisons. Du coup, ordi en catimini, mais des bouquins qui prennent le chou, des  notes à prendre, des notes à retranscrire, des commentaires dans les notes. J'ai eu la mauvaise idée de me faire une base de données pour indexer par mots clés les citations des livres et pour pouvoir ensuite faire des recherches par thème, par bouquin, par auteur ou en plein texte. Ça n'évite pas la bonne vieille méthode du crayon papier et du cahier de notes (un "caderno capa prêta" acheté en lot à Porto parce que ma fille m'a dit que ce sont les mieux et elle avait raison). En fait c'est deux fois prise de notes. Va falloir que le logiciel s'avère utile ! 
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viree.jpgUn coup de cœur pour commencer, pour le « Journal d'une Chômeuse ». Ce n'est pas transcendant comme thème, c'est même commun. Trop commun justement. Mais Fabienne Desseux met des mots sur cette vie, qui est une quête, pour passer du côté de celles et ceux qui obtiennent les moyens d'assurer, de manière autonome, subsistance et conditions d'existence. De la thune, quoi. De la vie, du temps de vie perdu à jamais, contre une valeur d'échange. Mais un temps de vie offert, de manière contrainte, à qui le paye pour le transformer en plus-value. De la vie contre rien parce que l'acheteur ne vivra pas plus. En contrepartie, qu'est-ce qu'on vit moins au chômage ! Mettre des mots sur cette vie qui rabougrit, c'est bien, ça la grandit.
"Virée. Journal d'une chômeuse incasable en quête d'un job illusoire", c'est le livre qu'elle a écrit et qu'on achète dans les bonnes librairies (ou chez l'éditeur).
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  • La semaine dernière j'ai dit comment j'ai craqué pour le site Chemins antiques et sentiers fleuris. Toujours via les partages sur Facebook, me voilà arrivé jusqu'à Savoirs d'histoire, dont l'autrice partage une passion pour l'histoire, parfois guillerette. Son site se lit comme une série à suspens, ce sont des histoires d'érudition qui racontent l'histoire avec humour, souvent sur des sujets décalés. Je me suis attardé à la lecture du Lai d'Aristote, que je garde sous le coude. La description faite du ridicule dans lequel se trouve le philosophe porte sur le sujet de ce blog, l'égalité. Et on y voit les efforts entrepris pour que, en ville comme au lit, l'homme reste au-dessus de la femme.
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Source : WikipediaPuisqu'on s'approche de l'Antiquité, j'ai découvert à l'occasion d'une émission radiophonique la théorie de Polybe sur l'anacyclose (en deuxième partie de ce paragraphe sur la Wikipédia). De lien en lien, me voici sur cet article de Patrick Juignet : « Platon et les régimes politiques ». Cette théorie des cycles politiques me semble toujours d'actualité. Elle comporte un fond, un lieu-commun : le peuple cesse d'être une foule lorsqu'une hiérarchie l'a organisé (nous voilà pile dans mon sujet sur l'inégalité). Évidemment, comme le peuple ne supporte pas d'avoir à supporter ceux qui s'en exonèrent, ceux-là mêmes imbus de l'idée d'un destin au-dessus du vulgaire (tiens, au-dessus ? encore ?), il lui arrive de se secouer, enfin, de secouer le joug. « Changeons de régime, il reprendra patience » ! Et la roue tourne... Dans notre démocratie on appelle ça les élections, ne trouvez-vous pas ? Je ne ferai pas de suggestion grivoise.
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  • J'ai cherché des illustrations pour mes billets sur l'empathie et sur l'image de l'Autre. Il fallait quelque chose pour accompagner les descriptions de Frans de Waal sur notre penchant à la coopération et quelque chose pour illustrer les propos de Marylène Patou-Mathis sur l'infériorisation du « Sauvage ». Et je suis tombé sur cette vidéo de Stephen (il précise que c'est son « nom anglais » parce que son nom, son identité, lui-même ce n'est pas ça, mais il ne dit d'ailleurs pas quel nom il a dans la culture aborigène : où l'on voit que l'acculturation est d'abord une négation de soi). Voyez la vidéo en entier, l'ensemble de la séquence est poignant. « Stephen » fait partie de cette génération qui est encore un « sauvage » et déjà un « civilisé » (voir le billet sur l'Autre pour ne pas se méprendre sur ces termes). Tel Janus, il voit et sent chacune des deux identités, celle qui se meurt et celle qui s'impose. Quand il parle de lui, c'est de nous qu'il parle, de ce qui nous manque, de ce que nous lui enlevons, de l'étouffement que notre civilisation impose à nos instincts coopératifs, à nos relations réciproques :

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  • « Moetai Brotherson, très pacifique » - le député « d'un peuple sans État » - dit-il. Le concept me plaît. Comme « Stephen » ci-dessus, M. Brotherson est à la fois l'un et l'autre. Mais il ne vit pas une discrimination et on sent dans cette interview la richesse que cela lui procure, dans tous les sens du mot. 
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  • « La socialisation de genre et l’émergence des inégalités à l’école maternelle : le rôle de l’identité sexuée dans l’expérience scolaire des filles et des garçons » : Ouf ! on reprend son souffle. « Ainsi, dès 4 ans, par le truchement de représentations différenciées du système éducatif, filles et garçons s’inscrivent, dans un rapport à l’école spécifique, intimement lié au genre de l’enfant, aux rôles de sexe véhiculés par la socialisation de genre et à la construction de l’identité sexuée à l’œuvre durant cette période du développement » est une des phrases de la conclusion de cet article de la revue Orientation Scolaire et Professionnelle. En clair, l'inégalité fondamentale qui structure nos sociétés, qui est celle entre les sexes, est déjà parfaitement intégrée à l'âge de 3 ans et elle va conditionner ce que s'autorisent garçons et filles comme parcours scolaire, soit en se conformant à la norme, soit en s'y opposant.
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  • « Quand Varoufakis dévoile les coulisses de l'Europe » - Yanis Varoufakis vient de publier un livre où il détaille la manière dont l'Europe a traité la crise de la dette grecque. Ici aussi, en subliminal, ce sont des politiques de prédation qui conduisent un peuple entier à l'esclavage pour dette. On connaissait cette forme d'esclavage pour les personnes dans l'Antiquité et encore assez récemment en Inde. Mais l'esclavage pour dette d'un peuple entier, c'est une nouveauté dont notre génération a le privilège de voir l'émergence. Le livre de Varoufakis est en Anglais, j'attends sa traduction. Et il faut que je pense à faire un papier sur l'excellent livre de David Graeber « Dette, 5000 ans d'histoire ». Mais ce qu'il dit sur Sapin est glaçant, il vaudrait mieux que ce soit faux... Si c'est vrai, ce qui est vraisemblable, cela répond aux interrogations qu'avaient les militants de gauche face à l'attitude incompréhensible de la France lors des négociations entre les Grecs et l'UE, alors qu'elle aurait pu conduire un regroupement des peuples du sud de l'Europe, tous soumis à la même politique infernale. À l'époque je ne comprenais pas et mes amis socialistes ne savaient pas m'expliquer. Et si, donc, c'est vrai, ajouté au reste du bilan de ce quinquennat Hollande, il faudra se féliciter de la disparition de ce parti. Et militer désormais pour que de ce qu'il en reste rien d'autre n'émerge. La gauche est à reconstruire, mais non à partir de ses ruines : en profitant de la table rase qu'il laisse. 
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  • « Poética » - j'ai croisé Richard dans mes engagements militants. Je le découvre poète. Poète-militant. 
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  • « Violence et Histoire, évolution historique des représentations de la violence » - conférence de Gérard Wormser du 2 mai 2005. En résumé : « La violence est une relation, pas « une chose » ; elle ne se soumet pas davantage aux typologies. Mais cela ne signifie pas que la violence ne peut pas être étudiée, ni être située dans son actualité, écrit Gérard Wormser. L’exercice d’histoire imaginaire est probablement un des meilleurs antidotes contre la violence ». Pour ma part, j'ai toujours cru que la violence était une contrainte exercée sur autrui, personne ou groupe, contre son gré, par une force qui peut attenter à son intégrité mentale, physique ou à sa vie. Elle est donc bien plus qu'une simple relation, elle se matérialise comme étant une chose car elle devient palpable à la fois pour la victime comme pour l'agresseur. Quant aux citations de Sartre... ça m'a largué. C'est un peu comme quand j'ai fait du Russe, tout allait bien puis les déclinaisons sont arrivées ! Cependant, toute la partie sur Kant, le Directoire et les tentatives actuelles de créer un réseau d'obligations juridiques, des contraintes et des limites pour les possesseurs de la force et du pouvoir est féconde. L'analyse de l'état de guerre comme dés-incitation à la révolte, car cette manifestation du pouvoir destructeur rendrait évidente l'inutilité de l'action contestataire, est pertinente. À moindre échelle c'est ainsi que j'ai analysé, avec d'autres, la répression des manifestations contre la loi travail El-Khomri et l'occupation des places dans le cadre de Nuit Debout par Manuel Valls. Leur message était manifestement : votre révolte sera un échec, la force est avec nous. Il avait oublié qu'on vote (pour l'instant).
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Par Grand Orient de France — wikipedia.en, marque déposée, « España es una gran región masónica » - En Espagnol dans le journal El Mundo. Extrait de la prise de position de Christophe Habas à Alicante : « Pourquoi les classes populaires et moyennes prêtent-elles le flanc à l'extrême-droite ? C'est parce qu'elles se sentent trahies par le programme des politiques. Les partis traditionnels de gauche et de droite partent de la même idéologie ultralibérale. Actuellement les politiques ne proposent pas de changer la société mais d'administrer la politique libérale. C'est un problème dans tout le continent, parce que l'Europe est technocrate et ultralibérale, à telle enseigne qu'elle n'est pas réellement gouvernée démocratiquement. Aussi longtemps que dureront les politiques d'austérité qui ont pour finalité d'accroître la richesse d'une minorité, l'extrême-droite, comme moyen de protestation, prospérera ». Que n'entends-je le GODF s'exprimer avec la même conviction en France !

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  • « La matanza fundacional del franquismo : 81 años del golpe de Estado del 18 de Júlio » : le 18 juillet 1936 c'était le coup d'État raté de Franco qui a préféré continuer avec une guerre civile. Une philosophie simple était à l'œuvre résumée par le capitaine franquiste Gonzalo Aguilera : « Nous devons tuer, tuer et tuer encore. Vous savez, ils sont comme des animaux, vous le savez ? Et il n'y a pas à s'attendre qu'ils se délivrent du virus du bolchévisme. En fin de comptes, les puces et les poux sont les porteurs de la peste ». Un article édifiant, en Espagnol.
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  • « Neuf mois de prison ferme pour l'ex-candidate FN ayant comparé Taubira à un singe » - et cinq ans d'inéligibilité, ce qui n'est pas beaucoup quand on dénie son humanité à un semblable. Mais pourquoi la comparer à un singe ? Pourquoi pas un cacatoès ? Nous revoilà dans la persistance de cette propagande organisée dans le seconde moitié du XIXe siècle par les élites européennes qui, persuadées de leur propre supériorité, ont théorisé pour tous les autres des parentés avec tel ou tel primate. Il y a eu 50 ans de bourrage de crâne intensif pour propager ces idées : scientifiques, États, écrivains, réclames... 
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  • « Liste des pays par réserves pétrolières prouvées » - On parle beaucoup du Vénézuela en ce moment. Mauvais esprit, je me suis demandé si l'importance de ce petits pays tient d'un éventuel hurluberlu à leur tête ou si par hasard ils auraient du pétrole. En fait, on sait depuis deux ou trois ans qu'ils ont les plus grosses réserves de pétrole du monde. Ah, on va bientôt nous dire qu'il faut les neutraliser à cause de leurs armes de destruction massive, d'une dictature sanguinaire ou de fièvre purulente.
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  • « Honey, I love you » - Un peu de douceur dans ce monde de brutes. Partout où l'homme est allé au fur et à mesure de sa colonisation de la planète, il s'est débrouillé pour avoir du miel. La plus ancienne preuve actuelle de collaboration avec les abeilles provient d'une pointe trouvée dans une grotte en Espagne, vieille de 40.000 ans, qui avait été collée au manche avec de la cire d'abeille. Mais en Afrique il existe une collaboration exceptionnelle et unique entre un oiseau sauvage et les hommes. Cet oiseau, l'Indicator Indicator appelle les hommes pour leur montrer où se trouve un nid d'abeilles. Il ne s'intéresse pas au miel, il veut que les hommes éloignent les abeilles (ce qu'ils font en fumant le nid pour enlever le miel) et ensuite il mange la cire. Au Mozambique, les Yao disposent d'une onomatopée qui leur permet de demander à l'oiseau de les conduire à un nid d'abeilles. Ici en Espagnol.
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