Glanages, #6

800px-Auguste_Rodin_-_Grubleren_2005-02.jpgDeux semaines tout seul, sans copains, sans famille - dont une sous la pluie - ça fait beaucoup de temps libre, de lectures et du coup pas mal d'écriture. De plus, sur le ouèbe ce n'est pas les grandes marées, même les politiques, pourtant prolixes, sont discrets. Du coup les glanages de cette semaine vont, en partie, concerner le blog, puisqu'il a été bien alimenté et grossit à vue d'œil. J'ai produit un peu frénétiquement, c'est sûr, mais j'avais du stock. C'est facile au début de faire du stakhanovisme. Ça va se calmer pour la suite,  on entrera dans le rythme de croisière.

Faire une recherche sur un sujet c'est du temps de documentation, de prise de notes, de brouillons, de mise en forme d'idées, de tentatives de production, de vérifications et d'approfondissements. Je n'avais jamais fait ça, je n'ai pas eu le chance de faire beaucoup d'études, mais je découvre avec plaisir ce travail de fourmi. En attendant, voici le glanage de la semaine écoulée.


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  • « Natixis, la banque qui craint une "révolte des salariés" » - Non, je n'invente pas ça, je n'ai pas assez d'imagination ! Mais les banquiers y pensent. En fait, c'est un vrai guide d'action pour les classes laborieuses car il prévoit ce que ça donnerait : "une hausse rapide des salaires". Et donc des ménages qui bénéficieraient de la nouvelle situation. C'est bien, non ? Ah, ben non. Parce que cela provoquerait  "une chute des marchés et une hausse des taux d'intérêt et de l'inflation", ce qui n'est pas bon pour les rentiers, pour les actionnaires et pour les grands groupes.  Alors, on s'y met quand ?
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  • bagabundo-coupe.jpgBAGABUNDO - « VAGABOND »
Parfaitement en phase avec ce qui précède, cette triste image liée aux condoléances et aux marques de sympathie envers les victimes de l'attentat de Barcelone le 17 août dernier, publiée sur le fil Facebook du mouvement ¡Democracia Real Ya!. La tristesse par-dessus la tristesse, ce message laissé au dos d'un plat jetable en carton : « Il aurait dû me prendre à moi, plutôt qu'à un enfant de seulement 3 ans, moi, je n'ai rien ni personne et j'aurais pu mourir à la place de tous. Je les garderai toujours dans mon cœur, je suis un bagabond et ma vie ne sert à rien ».
 
On n'a pas l'habitude de l'expression des SDF. Ils n'accrochent pas le regard, mais le détournent. Ce petit mot montre toute l'humanité de personnes qui sont désormais des objets parmi le mobilier urbain, qui traînent là comme d'autres déchets, sans vie, sans avenir, sans raison et sans espoir. L'inégalité, aussi, est un crime contre l'humanité.
 
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  • VIEUX, AIDEZ LES JEUNES - c'est le cri poussé par le ministre de l'économie auprès des retraités. Comment ? En payant un peu plus de CSG sur les retraites. Évidemment, on ne comprend même pas le rapport entre l'un et l'autre. Pourquoi appartient-il aux retraités d'aider les jeunes, de "valoriser le travail", comme il dit ? Ils sont au chômage, les jeunes ! Et les vieux qui travaillent ne vont pas bien, avec leurs temps partiels et leur santé en berne, comme le montre cet article de la Tribune, tout en discours macronien "tout va bien, mais en même temps, ça va mal" - dit-il. En fait, l'astuce est de parler de "taux" au lieu de parler de "gens". Les taux d'emploi vont bien, "mais en même temps" c'est le chômage qui va mal. Il va falloir s'habituer à la novlangue officielle sans néglliger de cultiver la subtilité de la nôtre. Voyez un peu plus bas, j'ai fini par me décider à en faire un billet du blogue.
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  • AltervativesEconomiques-0817.png« Le mauvais procès fait aux contrats aidés » - C'est toujours bon de bien mettre en évidence les salades qu'on nous vend (du vent). Dans la brève juste au-dessus je reviens sur l'annonce, le cœur sur la main, de la nécessité de taxer les vieux pour aider ces pauvres jeunes. Parole de ministre de l'économie. Mais la ministre du travail supprime la moitié des contrats aidés pour le 2ème semestre de l'année. Contrats aidés super utiles pour amener « à l'employabilité », quelle horreur, ceux qui ont perdu pied et ceux qui n'ont pas encore pris pied, qui ne sont pas tous jeunes - c'est vrai - mais qui, pour beaucoup, sont des jeunes. Alors c'est quoi cette salade ? C'est simple, elle le dit la ministre du travail : les pauvres, ça coûte cher ! En fait elle ne parle pas des pauvres, mais des contrats aidés, ils sont « extrêmement coûteux pour la nation » (c'est vers le bas de l'article), c'est écrit en novlangue du gouvernement. En fait, ils coûtent à peu près 10.000 euros par an, alors que le CICE (la subvention compétitivité versée aux entreprises pour améliorer les dividendes versés aux actionnaires) coûte, par emploi supposément créé grâce à lui, entre 286.000 et 570.000 (rien que la fourchette de l'estimation vaut son pesant d'or) ! Il n'y a pas de plafond pour distribuer l'argent public aux riches ! Salauds de pauvres. Et pour bien comprendre ça, gardez en tête le darwisnisme social et quelques idées de base sur l'eugénisme, des idées macabres qui font le fond de la pensée de tant de dirigeants politiques. Mais sûrement pas les nôtres, que le GADL'U nous en préserve ! Ceci dit, l'article d'Alternatives Économiques est nickel, courrez le lire.
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  • « Disfrutar » - J'ai connu Jean-Bernard à une époque où lui, comme moi, voyions émerger l'Internet en France. On savait que ça allait changer la vie et, déjà, on se préoccupait de l'invraisemblable surveillance des personnes que permettait l'informatique en réseau. Mais à l'époque, nous entrions dans le millénaire suivant, un de ces moments où on prend conscience que ce qui adviendra sera différent et qu'on peut, peut-être, participer à le façonner. Nous étions ensemble membres de la mythique Commission NTIC, au secteur Communication du Parti socialiste, qui nous regardait comme des intrus et dont la principale préoccupation était de savoir si nous étions contrôlables ou dangereux. On a formé les secrétaires de section, les fédéraux et plein de gens à plein de trucs (dont à se servir d'un e-mail, eh oui, ça a existé). On tenait stand à La Rochelle et, à l'époque, aller sur notre stand c'était un peu comme aller sur la Lune. Depuis, nos routes se sont éloignées, parfois recroisées et finalement il reste le fil ténu de Facebook pour nous rappeler que nous avons été complices de quelque chose. Depuis quelques années Jean-Bernard est critique gastronomique, un métier moins austère que l'informatique, tout en sens et saveurs, qu'il sait bien communiquer. « Disfrutar », c'est ce mot qui m'a attiré l'attention. Disfrutar c'est ce qu'on cherche tous, avec la polysémie de ce mot espagnol que l'équivalent français traduit mal. Nul doute que le restaurant barcelonais mérite qu'on s'y rende. Les autres billets de Jean-Bernard sont dans les Mille Saveurs de l'Opinion.
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  • Perdre sa souverainté n'a pas de prix - tout le monde sait à quel point je me fiche de la souveraineté, moi qui n'en ai aucune. C'est juste pour attirer l'attention que j'en parle, sur un de mes dadas : l'argent public doit aller aux communs, pas au privé. Alors, quand je vois que nos petits sous qu'on nous extorque par l'impôt vont directement dans les caisses d'entreprises monopolistiques qui payent des impôts dans les paradis fiscaux où il n'en existe pas... ça ne me donne ni envie de payer des impôts ni envie de comprendre les raisons de ces choix. Pourriture et compagnie, même l'armée est désormais sous la surveillance d'une entreprise d'informatique, qui plus est sans appel d'offres et avec des contrats qu'on ne peut pas connaître. L'article de NextImpact est payant, mais le début gratuit est suffisant pour se faire une idée.
 
 
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  • Scultura_nuragica.jpgMon nouveau papier sur l'inégalité explore l'inégalité archétypique, sans doute celle qui a servi de modèle pour toutes les autres, la position de la femme en seconde place. « Sois moins ! » est un ordre social qui n'est pas propre à la femme mais qui, en dernière analyse, est d'abord pour elle. Des textes tels que l'Iliade montrent une situation sociale de la femme très valorisante : c'est par elle que l'homme obtient titres et pouvoir. Mais à la même époque, ailleurs sur le pourtour méditerranéen, cette situation a déjà changé. Les dieux ouraniens prennent le pas sur les déesses-mères, celles-ci ne sont plus seulement mères et dispensatrices de vie, elles intègrent aussi des connotations négatives, elles amènent la violence et la mort. Au Néolithique semble se cristalliser un renversement des rôles, ou du moins une prise de pouvoir des hommes. L'univers symbolique qui valorise les valeurs attribuées à l'homme et dévalorise celles attribuées à la femme est en place. Il persiste toujours et pourtant nous avons des éléments aujourd'hui qui devraient nous permettre de les revoir.
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  •  SauvagePrehistorique.png« Théoriser la différence pour construire l'inégalité » - Note de lecture du livre « Le Sauvage et le Préhistorique » de Marylène Patou-Mathis. Elle montre avec érudition comment les théories sur l'inégalité des hommes ont été créées, comment elles ont servi pour justifier l'esclavage et la colonisation, et l'intense propagande démarrée au XIXème siècle pour propager ces idées dans les populations. Et on remonte aux sources d'idées politiques qui font encore florès. À la lecture de ce livre on comprendra mieux les idées de ceux qui nous gouvernent, la manière dont ils se considèrent et l'opinion qu'ils ont de nous. Un livre très complet, très documenté et agréable à lire, écrit par une paléoanthropologue, spécialiste de Néandertal, l'ancêtre à la « sale gueule ».
 
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  • fluffy-elephant-friend.png« La robot-censure » - je ne m'en remets pas d'avoir été censuré par Facebook.Je me suis du coup fendu d'un billet, pas seulement sur cette question mais plus largement sur ce que signifie, dans un monde largement numérisé désormais, le fait que des entreprises contrôlent, dans le secret le plus absolu, le fonctionnement d'un réseau social d'un milliard d'individus. Un milliard de personnes dans le même salon, c'est difficile de dire qu'il est encore privé : c'est une immense place publique. Mais, hic !, c'est une place publique soumise à des lois privées. Ça mérite qu'on se pose quelques questions.
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  • « Une CSG pour les jeunes » - Incongru, n'est-ce pas ? cependant le personnel politique ne manque pas de créativité d'expression pour nous faire prendre les vessies pour des lanternes, et plus la corde est grosse, mieux ça passe. Le ministre de l'économie a ainsi réussi à faire transcrire dans les médias au service de la parole des puissants cette argutie, l'augmentation de la CSG des retraités c'est pour faire du bien aux jeunes. Ah oui, quel bien ? Comment s'opère le transfert ? Sur quels jeunes la mane va-t-elle tomber ? Posez pas de questions ! C'est vilain.
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  • diplomes.pngRapport sur les inégalités en France : Chaque année, l'Observatoire des Inégalités produit un rapport sur l'état des inégalités en France.  Le rapport 2017 a été publié au mois de juin, grâce à un financement participatif. Ce rapport est en vente sur le site, mais on peut télécharger sa synthèse en quelques tableaux clairs, explicites et extrêmement instructifs.
    On y apprend qu'un peu plus du quart des revenus est détenu par 10% de la population. C'est une meilleure répartition que celle connue au niveau mondial, mais les éléments du rapport montrent que les inégalités augmentent vite et, en particulier, le nombre de pauvres ainsi que leur taux dans la population. C'est une épidémie. Lire le billet, cliquer ici.
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  • « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage » - Le Vénézuela, il y a peu de temps encore, je n'aurais pas su le situer précisément en Amérique du Sud. Maintenant je sais. On en entend de plus en plus parler. C'est un peu comme les vagues que l'on voit se former quand, à la plage, on regarde la mer l'esprit vide. Ça monte doucement, nul doute que ça va éclater soudainement. Mais comme j'ai déjà vécu Timisoara et les armes de destruction massive en Irak pour justifier l'invasion du pays (juste après qu'il ait abandonné le dollar comme monnaie de référence pour l'achat du brut de pétrole, au profit de l'euro), je suis très circonspect au sujet du Vénézuela. Si au Vénézuela il n'y avait pas les plus grandes réserves de pétrole connues au monde, s'il n'y avait pas de minéraux comme le koltan, s'il n'y avait rien qui puisse aiguiser l'appétit des grandes puissances, alors je croirais sans sourciller qu'un dictateur sanguinaire y affame son peuple. Mais comme le Vénézuela a du pétrole, des métaux, des métaux précieux et de métaux rares, j'ai fait ce billet où j'expose mon scepticisme.
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