livre

De l'agriculture à l'inégalité

Note de lecture

« Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire », de Jean-Paul Demoule, Fayard, nov. 2017

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Suivre la conférence sur le même thème du 10 octobre 2017 aux Rendez-vous de l'histoire de Blois

Avec son livre paru en octobre 2017, intitulé « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire, quand on inventa l'agriculture, la guerre et les chefs », Jean-Paul Demoule vient insister sur cette période du Néolithique qui a forgé les sociétés inégalitaires dans lesquelles nous vivons désormais.

La révolution néolithique - Jean-Paul Demoule

Note de lecture

La révolution néolithique, Jean-Paul Demoule, Éditions le Pommier et Éditions de la Cité des Sciences et de l'Industrie, 2015 (1ère édition 2008)

J'ai envie de commencer cette note de lecture par le paragraphe de conclusion du livre, qui résume finalement les leçons que l'on peut tirer de l'observation de l'histoire de la néolithisation des sociétés humaines : « On présente aujourd'hui la croissance indéfinie et le libéralisme économique mondialisé comme le seul horizon désormais possible et pensable, imposé par une sorte de loi naturelle transcendante. L'archéologie et l'histoire nous montrent l'exemple de trajets et de choix bien plus variés et complexes. Elles nous montrent aussi qu'il a existé de mauvais choix – ceux des Mayas ou des Pascuans, par exemple. Elles nous montrent finalement qu'il n'est pas interdit de réfléchir sur nos choix actuels, voire de les infléchir » (p. 127).

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L'origine de l'inégalité selon Brian Hayden

Note de lecture

Biface_feuille_de_laurier.JPG« Le principal problème à traiter est de savoir comment et pourquoi l'inégalité est née des communautés égalitaires qui l'ont précédée » - indique Brian Hayden dans son introduction. C'est le propos annoncé du livre bien qu'il explore plutôt les moyens que les causes, hormis une thèse centrale et déroutante : les personnalités « triple A » (« chefs avides, agressifs et accumulateurs » p. 50) associées à la possibilité de production de surplus, permet à ceux qui ne recherchent que leur intérêt personnel de prendre de l'ascendant et d'utiliser à leur profit la capacité de produire plus que nécessaire : « (…) toutes les activités majeures de développement des élites ou des proto-élites étaient basées sur la production et l'utilisation des surplus, qu'ils soient destinés à donner des festins, des présents, des dots, à conclure des alliances, des échanges, à acquérir des objets de prestige ou à toute autre activité » (p. 32) utilisant aussi « la transformation des surplus de nourriture en dettes, obligations ou bien convoités » (p. 49). Qui orchestrait cela ? « (…) les formes extrêmes de personnalités (psychopathes) pratiquant le « profit » [qui] apparaissent dans une certaine mesure dans toutes les classes sociales indépendamment de l'éducation, et dans toutes les populations, même parmi les sociétés les plus simples de chasseurs-cueilleurs » (p. 49).

L'empathie, un ancien outil de l'évolution des espèces

Note de lecture

Le livre de Frans de Waal, « L'Âge de l'Empathie » porte un titre qui sonne comme le manifeste d'un devenir linéaire qui serait la prochaine étape de l'évolution humaine. C'est presque dommage tant ce livre marque, à mon sens, un tournant dans la vision du monde qui nous a été proposée depuis Hobbes,  qu'il contredit cmplètement car, comme le montre très bien Frans de Waal, l'empathie - qui pousse à s'intéresser à l'autre - se compte en centaines de millions d'années(1). Si l'empathie est si vieille, et partant, si ancrée dans l'évolution des espèces sociales qui ont conduit jusqu'à nous et en nous-mêmes, pourquoi diable vivons-nous dans un système qui promeut la « guerre de tous contre tous » ?

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Théoriser la différence pour construire l'inégalité, "le sauvage et le préhistorique"

Note de lecture

SauvagePrehistorique.pngMarylène Patou-Mathis s'est intéressée à la construction d'un « Autre », différent, dans la société occidentale depuis que celle-ci a découvert le monde dans son étendue géographique (le sauvage) mais aussi dans son étendue temporelle (le prhéhisitorique) à partir du XVème siècle. L'Europe, où il ne subsistait plus de chasseurs-cueilleurs, découvrait un monde qui en était rempli tandis qu'en son sein on interprétait les ossements d'hommes qui ne pouvaient évidemment pas être antérieurs au Déluge. Qui étaient-ils, des Gaulois ? Assez vite pourtant on va savoir estimer les âges des couches géologiques et tout cela apparaît incroyablement étrange et déstabilisant pour des gens qui se prenaient eux-même pour la crème de l'humanité. Et qui vont tenter de le justifier.
Dans son livre « Le sauvage et le préhistorique, miroir de l'homme occidental » (Odile Jacob), extrêmement fouillé, elle fait preuve d'une érudition sur la question qui fait de cet ouvrage très riche et dense une œuvre majeure dans la réflexion sur les idéologies de ségrégation. C'est un livre passionnant et facile à lire.