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Reconnaître, reproduire, sublimer ou quand l'art fait l'humain

L'humain se raconte des histoires, ses fictions disent et créent le monde, son monde. Autant de perceptions, d'approximations, de déductions par lesquels il cherche la vérité, dans lesquelles il trouve sens. Quand cela a-t-il commencé ?
Les interrogations sur les capacités cognitives des humains archaïques se sont toujours heurtées à la barrière du classement des espèces. Ainsi, la datation en Espagne de plusieurs sites de grottes ornées manifestant l'existence d'un art néandertalien apparaît comme un coup de bélier dans ce classement puisque, d'un coup, des compétences cognitives jusqu'ici attribuées exclusivement à Homo Sapiens se retrouvent également chez une espèce qui a été présentée comme moins capable intellectuellement. Moins capable pourquoi ? Du fait de son classement en espèce bien plus que du fait des compétences réelles que les archéologues ont mises en évidence au fil du temps, parfaitement synchrones avec celles d'Homo Sapiens.

 

Les statuettes féminines de la préhistoire

Si, comme le suggère Jean-Paul Demoule dans son livre « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire », p. 190 (les indications de pagination dans cet article renvoient vers ce livre), en posant la question « la domination des hommes sur les femmes est-elle l'origine de toute forme de domination ? », la représentation de la femme au cours du temps est un fil rouge qu'il faut suivre de près.

Sa réflexion sur le sujet ne manque pas d'intérêt mais me semble se terminer de manière réductrice et qui, en outre, exclut implicitement la femme elle-même de sa propre représentation.

420px-VenusHohlefels2.jpgIl résume sa thèse en ces termes : « Les plus anciennes représentations humaines paléolithiques, les Vénus déjà évoquées aux caractères sexuels outrageusement exagérés (seins, sexe, fesses) révèlent beaucoup plus un regard masculin sur la femme érotisée qu'une préoccupation féminine touchant à la fécondité » (p. 177). Cette thèse du regard masculin, en quelque sorte concupiscent, revient à plusieurs reprises. C'est la thèse développée notamment dans le chapitre V (« Qui a inventé l'art (et le design) ? »), page 99, ou encore dans le chapitre 4 (« Qui a inventé les dieux (et Dieu) ? »), page 75. « Ces petites sculptures devaient être visibles, puisqu'elles sont réalisées selon les mêmes canons esthétiques, du Périgord jusqu'à l'Ukraine. Elles devaient servir de support à des interrogations sur la sexualité, plutôt vue d'un point de vue masculin, ce que confirmerait l'abondance des représentations de sexes féminins stylisés, bien plus nombreuses que celles de sexes masculins, tout comme les femmes sont beaucoup plus représentées que les hommes ».

À l'Âge du Bronze, la représentation de la femme passe au second plan, « s'il se rencontre encore des figurines féminines, elles se font de plus en plus rares » (p. 104) et « ce sont les représentations masculines, sculptées ou gravées dans la pierre, et bientôt fondues dans le cuivre et le bronze, qui dominent largement ». Pour jean-Paul Demoule « c'est la représentation du pouvoir et de la force guerrière qui s'impose partout » avec l'apparition d'une nouvelle représentation « les représentations du soleil, exceptionnelles jusque-là ».

Condorcet - Conseils à sa fille

Nicolas_de_Condorcet.PNGCondamné à mort, Nicolas de Condorcet a écrit des conseils pour sa fille, alors petite enfant. Ces conseils, malgré le vocabulaire et le style qui datent l'époque de la rédaction, sont tout à fait d'actualité. Comme beaucoup de ce que Condorcet a écrit ou pensé.
Si je publie, dans ce blog consacré à l'inégalité, ces conseils, c'est parce qu'ils sont tout empreints de cette conviction profonde que les humains sont tous égaux. Lorsqu'il dit à sa fille qu'il convient de secourir les autres, il l'avertit aussi « n'oublie jamais que celui qui reçoit est par la nature l'égal de celui qui donne », une phrase si proche du titre même de ce blog, et que je découvre. En termes d'égalité, et vous le remarquerez en lisant ces conseils, Condorcet aurait tout aussi bien pu donner les mêmes à un fils. Rien dans ce texte ne permet de penser qu'il fait une différence entre les hommes et les femmes, que ce soit par nature ou par rôle social. D'ailleurs, il venait de travailler à une constitution pour la France où il donnait le droit de vote aux femmes (...qui ne l'ont réellement eu qu'en 1945). Cette notion de l'égalité des humains « par la nature » s'oppose en tous points aux conceptions de son époque où, justement, la nature était représentée dans une organisation en forme d'échelle où tout le monde ne se valait pas, à commencer par la femme, classée seconde. Le monde terrestre était conçu selon la hiérarchie céleste, il était conçu sur la base d'une inégalité par essence et par nature entre les êtres.

Sur l'admission des femmes au droit de cité

Nicolas_de_Condorcet.PNGNicolas  de Condorcet a pris des positions sur l'égalité qui allaient à contre-courant de son époque - et qui peuvent sembler anachroniques dans sa position. 
Dans les conseils à sa fille il fournit une des meilleures définitions de l'empathie (sans dire le mot, qui n'existait pas encore) quand il lui parle de « Cette douce sensibilité, qui peut être une source de bonheur, a pour origine première ce sentiment naturel qui nous fait partager la douleur de tout être sensible » et ce "sentiment naturel" est le fondement d'une relation d'égalité entre tous les êtres humains, il le rappelle à sa fille lorsqu'il lui conseille d'être généreuse en lui disant : « n'oublie jamais que celui qui reçoit est par la nature l'égal de celui qui donne ». Il insiste ainsi dans cette égalité par nature, qui n'est pas l'égalité en droits, uniquement en droits, jamais dans les faits, et qui sert de paravent aux inégalités sociales injustifiables autrement que par l'apparence d'une juste place liée aux mérites et aux talents individuels.
C'est toute la discussion de ce texte sur l'admission des femmes au droit de cité, où il réfute les causes individuelles par de subtiles comparaisons entre les incompétences réelles de certains hommes, qui ne les empêchent pas d'exercer des fonctions de pouvoir, et les incapacités supposées des femmes qui légitiment leur exclusion, dans les discours des hommes.
Alors qu'il était établi dans la société de son époque qu'il y avait une différence de nature entre les hommes et les femmes, théorisée en particulier par Rousseau dans L'Émile ou De l'éducation, Condorcet insiste sur les capacités différentes créées par une éducation discriminatoire, voire par l'absence d'accès des femmes à une éducation. Ce sujet sera également au cœur de sa réflexion sur l'école publique.
Son postulat est que l'égalité est le seul ordre naturel. Et il montre paragraphe après paragraphe que l'inégalité est socialement construite. Ce qu'il montre ici pour les femmes peut être étendu, avec le même raisonnement, à toutes les autres inégalités ou discriminations et cela semble être son propos lorsqu'il parle des lois absurdes et barbares du garde des sceaux d’Armenonville.
Ce texte sur l'admission des femmes au droit de cité reste d'actualité plus de 200 ans après avoir été rédigé, y compris parmi nous, dans la France du XXIème siècle, où l'égalité est trop souvent associée à la notion de complémentarité (qui rend la femme toujours seconde) ou à des considérations économiques, lorsqu'on la justifie par sa "rentabilité" en étudiant les effets de la mixité dans les entreprises, comme le montre en particulier Réjane Sénac.
 

Vers la fin des espèces humaines

neanderthalien.jpegDeux articles ont été publiés dans la revue Science le jeudi 22 février 2018 concernant des datations d'art et de comportements symboliques attribués aux Néandertaliens, situés à trois endroits différents en Espagne. Ces datations mettent en cause le classement de l'humanité en espèces et mettent en évidence son caractère idéologique, ce classement ayant été mis en place à une époque où les élites intellectuelles européennes avaient pour ambition de naturaliser les inégalités sociales en produisant un discours sur des inégalités de nature.
Le premier, signé par un ensemble d'éminents scientifiques d'organismes prestigieux comme le Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology à Leipzig, différentes universités britanniques, espagnoles, portugaises, allemandes ou encore le CNRS français, attribue à plusieurs manifestations artistiques situées en Espagne des dates supérieures à 64.000 ans, soit au moins 20.000 avant l'arrivée des hommes anatomiquement modernes en Europe. C'est-à-dire que ces manifestations de capacité d'une pensée symbolique n'ont pas des Homo Sapiens comme auteurs.
Le second, avec un peu moins de signatures dont certaines en commun, attribue un âge de 115.000 ans à des coquillages qui ont manifestement été portés comme colliers et ont pu être colorés avec de l'ocre. On est là 75.000 ans avant l'arrivée de nos ancêtres en Europe.
À cela il faut ajouter les constructions intentionnelles au fond de la grotte de Bruniquel, datées à plus de 175.000 ans, manifestant des compétences d'organisation de l'espace, de conduite d'équipe, de planification. Mais à 300 m de l'entrée d'une grotte, il faut aussi s'orienter et pour cela maîtriser l'éclairage, donc avoir développé des techniques d'illumination par le feu assez performantes pour les allers-retours et les temps de « travail » nécessaires à l'obtention de la matière première (des stalagmites intentionnellement cassées), à son transport et à son assemblage.

De l'agriculture à l'inégalité

Note de lecture

« Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire », de Jean-Paul Demoule, Fayard, nov. 2017

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Suivre la conférence sur le même thème du 10 octobre 2017 aux Rendez-vous de l'histoire de Blois

Avec son livre paru en octobre 2017, intitulé « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire, quand on inventa l'agriculture, la guerre et les chefs », Jean-Paul Demoule vient insister sur cette période du Néolithique qui a forgé les sociétés inégalitaires dans lesquelles nous vivons désormais.

Rupture d'égalité

Giuseppe_Bartolomeo_Chiari_-_Susannah_and_the_Elders_-_Walters_371880.jpgLe harcèlement sexuel des femmes fait la une de la presse ces jours-ci. Divers cas de personnalités masculines, en situation de pouvoir, sont « balancés », provoquant émotion et indignation, prises de position politiques, mobilisations citoyennes qui réclament un plan d'urgence contre les violences sexuelles. 

En Europe, Eurostat a recensé 215.000 agressions sexuelles pour 2015, dont 80.000 viols avec 90 % de femmes victimes et 99 % d'hommes auteurs emprisonnés. Eurostat ne connaît que les plaintes, pas les agressions qui ne sont pas dénoncées.

La violence sexuelle, le harcèlement de rue ou lié à une position de pouvoir, sont une partie de la violence générale imposée aux femmes pour les reléguer en seconde position, dans tous les plans de la société. Cette « seconde position » n'est pas un état naturel mais une situation culturelle complètement intériorisée par les deux sexes. S'en affranchir demande une forte dose d'énergie à chacun et à chacune, énergie mentale, énergie de résistance au qu'en-dira-t-on et aux habitus sociaux, énergie d'acquisition de savoirs et énergie de transformation des comportements. En fait, c'est dur et cette difficulté même agit comme force d'inertie pour que rien ne change. Les lois sur la parité en sont un exemple, l'égalité des droits n'est pas une égalité dans les faits.
Cette violence générale est celle qui est nécessaire pour la constitution d'une inégalité fondamentale, autour de laquelle notre monde est organisé : une inégalité structurelle entre les femmes et les hommes. C'est une rupture d'égalité qui est, à mon avis et au niveau où j'en suis dans mes recherches, le fondement de toute inégalité. Si j'emploie le terme « violence » c'est parce que qu'aucune inégalité ne se crée sans recours à la force, toute domination suppose une contrainte. L'émergence des sociétés inégalitaires au Néolithique, période où la domination de la femme devient explicite, en apporte la preuve.

Le hold-up fiscal

OxfamHopital.pngOxfam Belgique a réalisé une courte vidéo qui met en scène un hold-up dans un hôpital. Ce n'est pas une fiction, c'est une illustration de ce qui se passe réellement lorsque la partie de la richesse produite, initialement destinée au pot commun, est captée par la fraude fiscale.

Les 100 milliards d'euros qui échappent ainsi aux différents fiscs doivent être compensés par une surimposition sur les autres contribuables ou (peut-être même ET) dégrader les services publics essentiels, comme ceux liés à la santé. Concrètement cela signifie que les sommes détournées du circuit légal de l'imposition sont récupérées dans notre poche pour une part, payées par les vies perdues des plus démunis d'autre part.

Oxfam propose une pétition pour exiger la transparence fiscale. Regardez la vidéo ci-dessous.
 

Quel est mon territoire ?

«Périsse ma nation, pourvu que l'humanité triomphe!», dit Lamartine qui cite Barnave.1 L'opposition entre l'humanité et la nation a de quoi interpeller, comme si l'une, la nation, était la négation de l'autre, l'humanité. Car nous avons l'habitude de nous définir davantage par notre carte d'identité que par cette identité qui nous est, pourtant, commune à tous.

Au moment où la facétie de la pseudo-déclaration d'indépendance de la Catalogne2 déferle sur les médias, où bien des populismes et des nationalismes haussent le ton en Europe, où chacun se revendique propriétaire d'un bout de planète pour y mettre des limites et des gardes, décider qui en est et qui on en exclut, je me demande comment on a fini par accepter d'être confondus avec ces fictions que sont les peuples et les nations plutôt que de se reconnaître pour ce que l'on est vraiment et tous ensemble : des humains à la dérive sur un caillou dans l'univers. Situation suffisamment angoissante en elle-même pour qu'on soit enclins à se donner la main plutôt que le coup de poing.

Les pauvres paieront

« Dans un contexte où 10% des Français-e-s les plus riches détiennent déjà plus de la moitié des richesses, la réforme fiscale annoncée risque de creuser encore davantage les inégalités. Les 10% les plus riches bénéficieront d’une hausse de revenus au moins 18 fois plus importante que les 10% les plus pauvres pendant que les contributions fiscales des entreprises seront largement réduites alors que leurs bénéfices explosent » - dit Oxfam dans une étude publiée le 25 septembre 2017.
Nous avons vu dans plusieurs billets de ce blog (ici et ) que les inégalités se creusent partout dans le monde et que la tendance est à l'accélération de ce mouvement, comme cela s'est produit aux États-Unis d'Amérique du Nord pendant ces dernières années. Or, on sait maintenant que les inégalités sont bien plus importantes que celles qui ont été mesurées à partir des chiffres officiels.

 

Les milliards de l'inégalité

654px-Hedge_funds_and_tax_haven-fr.svg.pngDans plusieurs billets de ce blog j'ai fait état d'études pointant les inégalités en France et dans le monde ainsi que de leurs conséquences y compris sur une partie de l'humanité à naître. Cette inégalité n'est pas un état de nature, mais une construction qui, dans le monde d'aujourd'hui, est patiemment entretenue et accrue par des règles imposées aux peuples par diverses formes de violences et d'outils de contrainte et de contention, qui, parfois au nom de la justice sociale et de l'ordre public assurent la répression nécessaire au maintien et au développement des politiques de spoliation des faibles et d'accroissement de la richesse et du pouvoir des nantis. Ainsi, comme nous le savons pertinemment, des outils de défiscalisation, de quadrillage du monde (comme les frontières), des lois sur la circulation des capitaux, des institutions bancaires tentaculaires et opaques sont mis en place pour que les fortunes les plus importantes de chaque pays puissent échapper à la redistribution, à la solidarité, au financement de la vie commune dans la société. Par contre, des outils de contrôle des revenus des petites gens assurent qu'aucun ou presque n'échappera aux taxes, cotisations, impôts, péages, frais et amendes qui iront financer l'ensemble des institutions publiques qui garantissent paix, tranquillité, options de fraude et opportunités d'enrichissement aux plus fortunés en organisant, par le pouvoir d'État, un monde à leur service.

En manifestation, pour un choix de société

 
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Manifestation de la CGT le 12 septembre 2017

Comme toujours, selon la situation dans laquelle on se trouve, on a un point de vue particulier. Ainsi, le Medef se réjouit des ordonnances qui vont, pour lui, dans le bon sens, qui est le sens d'un pouvoir accru du patron dans l'entreprise. Faisons bien attention aux mots : par "patron" on ne signifie plus aujourd'hui ce que cela signifiait au XIXème siècle où l'entreprise appartenait vraiment à celui qui la dirigeait. Ça existe encore dans les PME, mais ce n'est plus la règle. Les entreprises sont dirigées par des "dirigeants", qui ne sont généralement pas les propriétaires et qui travaillent avec un objectif : rentabiliser l'investissement des actionnaires. Ce n'est pas la même chose que de garantir l'emploi des salariés, car rentabiliser l'investissement signifie distribuer les plus gros dividendes possibles. Et l'emploi (la "ressource" humaine) est l'une des variables sur lesquelles le dirigeant peut intervenir

La petite graine du papa

Lors d'une récente soirée cabaret, deux chansons, de deux auteurs-interprètes différents, se sont succédées en évoquant « la petite graine du papa », qu'il dépose dans la maman. Cette succession rapide du même thème a attiré mon attention et j'ai remarqué l'assentiment général donné à cette expression, expression d'un lieu-commun. Nous connaissons tous la suite de cette action, qui compare la relation sexuelle à la plantation d'une graine dans un pot ou dans un champ. Il n'y a plus qu'à attendre que ça pousse1.

Quels sont les développements de cette idée ? On voit bien qu'il y a un actif (le papa qui dépose) et un passif (la maman qui reçoit). Pour la suite, à l'image du pot ou du champ, la graine sera active en se développant, en faisant émerger la vie qui va alors s'épanouir au sein d'un corps passif qui l'héberge et dont elle se nourrit.

Tous les stéréotypes d'une culture sont déjà présents dans la seule expression « la graine de papa ». Un stéréotype qui dit que la vie est générée par l'homme, qui est non seulement l'origine mais le principe créateur lui-même et attribue ainsi la division actif/passif à chaque  sexe, essentialisant l'un et l'autre2.

Le choc de la libéralisation

Avec le gouvernement actuel, il n'y a pas que le montant des APL qui baisse. Les impôts baissent aussi, de 11 milliards. 11 milliards au total, si on tient compte des hausses de 2,6 milliards (tabac, fiscalité écologique) et des baisses par ailleurs de 13,5 milliards. Sur ces 13,5 milliards de baisses des impôts, certaines ont été décidées par le gouvernement précédent : 4,5 milliards pour les entreprises (taux du CICE qui passe de 6 à 7 %, crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires qui baisse d'un demi-point). Le gouvernement y ajoute 7 autres milliards : une baisse du prélèvement forfaitaire unique sur le capital, la suppression d'une première tranche de taxe d'habitation et la suppression de l'ISF, l'impôt sur la fortune, 3 milliards chacune.

Inégalité et mobilité sociale

Homeless_New_York_2008.jpeg.jpegCe texte de Miles Corak fait une analyse de la mobilité sociale en rapport avec l'importance de l'inégalité dans la société. Ce qu'il appelle la "mobilité sociale" est la capacité pour chaque génération de ne pas reproduire seulement le niveau de vie de ses parents, mais d'être en capacité de l'améliorer. Les sociétés qui offrent cette capacité sont considérées "fluides", celles qui ne l'offrent pas, ou peu, sont considérées "rigides". C'est-à-dire qu'elles s'organisent autour d'une stratification sociale qui se reproduit à l'identique ou presque de génération en génération. Dans ce dernier cas, chaque génération n'a pas une "égalité des chances" dans le domaine de l'amélioration de sa condition et d'accéder à des responsabilités, du prestige, des relations sociales valorisantes.

Les deux morceaux du même

https://www.brito.tv/         

Aristofanes.jpgEn lisant Dette 5 000 ans d'histoire, un livre d'anthropologie économique1, je tombe sur la citation suivante comme illustration d'un sous-chapitre :

« Chacun d'entre nous est donc une fraction d'être humain dont il existe le complément, puisque cet être a été coupé comme on coupe les soles, et s'est dédoublé. Chacun, bien entendu, est en quête perpétuelle de son complément ». (Platon, Le Banquet).

Mais que vient faire pareille citation de la Grèce classique comme introduction au sous-chapitre qui s'intitule « Donc, qu'est-ce que le Moyen Âge ? » ?

La robot-censure

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Deux fois j'ai essayé de publier ce billet sur Facebook. La première fois j'ai reçu un ​message immédiat, tellement immédiat que j'en ait été surpris, de la part de la robot-censure de Facebook, me disant que ma publication était du spam et qu'elle était retirée. La deuxième fois le billet a bien été publié et a même pu être « aimé » par deux ami-e-s avant que, rebelotte, même message.
À chaque fois il faut demander pardon et expliquer que non, ce n'est pas du spam. Mais pour autant le billet n'est pas republié. Il est transmis à une Community machin-chose qui doit statuer.
Tout cela pose bien des questions. D'abord, quand j'écris je m'adresse à des êtres humains censés comprendre ce que je leur dis. Dans le cas particulier de ces publications, ils sont même triés sur le volet. Ce ne sont pas les « amis Facebook » dont je ne connais l'existence, de certains, que par cet intermédiaire. Ce sont les « amis » qui sont mes amis et qui, à ce titre, font partie d'une liste restreinte, celle à laquelle je m'adresse en général quand je n'ai pas quelque chose à crier urbi et orbi, chose fort rare, car j'ai le sentiment que l'univers n'est pas à mon écoute.

Une CSG pour les jeunes ?

1280px-Roman_collared_slaves_-_Ashmolean_Museum.jpgLe gouvernement va donc supprimer 5 € mensuels d'APL pour les jeunes. Les jeunes qui doivent faire des efforts. En même temps, il augmente la CGS pour les retraités. Des retraités qui doivent faire des efforts « pour les plus jeunes générations et pour récompenser le travail ».
En fait, les jeunes font des efforts pour les vieux et les vieux font des efforts pour les jeunes. La société fait des efforts pour... pour qui ? Ah, oui, la société supprime l'essentiel de l'impôt sur la fortune parce que les jeunes et les vieux riches ne doivent surtout pas faire d'efforts pour personne. Les riches ont déjà fait des efforts pour devenir riches, par exemple : ils ont hérité de leur famille, ils sont rentiers.

L'esclavage augmente en Europe

CarteEsclavage.pngCarte de répartition de l'esclavage moderne dans le monde (source https://www.globalslaveryindex.org/index/)

Il y aurait actuellement plus de 45 millions d'esclaves dans le monde, à la fois sous la forme de l'esclavage ancien (une personne qui est une chose propriété de quelqu'un) mais surtout sous la forme de ce qu'on appelle l'esclavage moderne. Cet esclavage nous concerne à la fois parce qu'il se développe en Europe mais aussi parce que, dans le monde, il sert à produire des biens que nous consommons.

Le Néolithique, la violence et l'inégalité

375px-Da_Vinci_Vitruve_Luc_Viatour.jpgL'humanité est-elle une espèce violente où la majorité de ses membres sont naturellement soumis à un dominant ? C'est l'idée qui fait sens commun et tout le monde a en tête, parce que cela a été répété au son du tam-tam chaque jour et chaque nuit pendant au moins dix générations, la "loi du plus fort" comme le "contrat social". Une idée simple : sans une force de contrainte on va tous s'égorger mutuellement, car à "l'état de nature" les individus n'ont aucun frein. L'idée de "contrat social" suppose que les individus sont naturellement libres mais comme cette liberté mène au désordre, alors les individus passent un contrat pour se limiter eux-mêmes et instituer une autorité qui fera régner l'ordre.
Alors même que Hobbes pense que "le plus fort", s'il cherche à s'imposer, sera éliminé par les plus faibles qui se regroupent, la notion a été reprise par ce qu'on nomme le darwinisme social, qui en a fait un moteur de l'évolution des espèces - ce que Darwin n'a jamais prétendu. Ainsi, ce seraient les plus forts qui feraient évoluer les espèces et les espèces les plus fortes qui seraient vainqueuses(*) dans la concurrence pour la survie.
 

La révolution néolithique - Jean-Paul Demoule

Note de lecture

La révolution néolithique, Jean-Paul Demoule, Éditions le Pommier et Éditions de la Cité des Sciences et de l'Industrie, 2015 (1ère édition 2008)

J'ai envie de commencer cette note de lecture par le paragraphe de conclusion du livre, qui résume finalement les leçons que l'on peut tirer de l'observation de l'histoire de la néolithisation des sociétés humaines : « On présente aujourd'hui la croissance indéfinie et le libéralisme économique mondialisé comme le seul horizon désormais possible et pensable, imposé par une sorte de loi naturelle transcendante. L'archéologie et l'histoire nous montrent l'exemple de trajets et de choix bien plus variés et complexes. Elles nous montrent aussi qu'il a existé de mauvais choix – ceux des Mayas ou des Pascuans, par exemple. Elles nous montrent finalement qu'il n'est pas interdit de réfléchir sur nos choix actuels, voire de les infléchir » (p. 127).

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8 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de l'humanité

RapportOxfam.pngOxfam a publié en janvier 2017 son rapport sur le fonctionnement de l'économie mondiale. Le titre du rapport n'y va pas par quatre chemins, il est clair et percutant :  « Une économie au service des 99 % » pour réclamer une inversion du système actuel qui ne profite qu'à 1% de la population mondiale. Ce rapport rendu public au moment de la rencontre de Davos montre que 8 personnes (oui, huit) possèdent à elles seules « autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité ».
Le rapport illustre les moyens utilisés par les grandes entreprises et les individus les plus riches pour exacerber les inégalités, « en exploitant un système économique défaillant, en éludant l’impôt, en réduisant les salaires et en maximisant les revenus des actionnaires ». La notion de "système économique défaillant" utilisée par Oxfam me paraît contestable dans la mesure où, en fait, il est défaillant pour ceux qui n'en bénéficient pas mais il est parfaitement huilé pour favoriser les élites qui en tirent profit. Il s'agit donc d'un "système économique performant" du point de vue de ceux qui en actionnent les mécanismes.
« Nos économies concentrent les richesses aux mains d’une élite, aux dépens des couches les plus pauvres de la société qui sont majoritairement des femmes » - dit le communiqué. « Les plus fortunés accumulent ces richesses à un tel rythme que le premier « super-milliardaire » du monde pourrait voir son patrimoine dépasser le millier de milliards de dollars dans 25 ans à peine ».  Ce que montre ici Oxfam est ce qu'a constaté Thomas Piketty et son équipe, relayé par cet article du New York Times, qui s'alarme et s'indigne de la croissance exponentielle des revenus des 0,001% les plus riches des États-Unis.

Les inégalités en France en 2017

Chaque année, l'Observatoire des Inégalités produit un rapport sur l'état des inégalités en France.  Le rapport 2017 a été publié au mois de juin, grâce à un financement participatif. Ce rapport est en vente sur le site, mais on peut télécharger sa synthèse en quelques tableaux clairs, explicites et extrêmement instructifs.
On y apprend qu'un peu plus du quart des revenus est détenu par 10% de la population. Ce que ne montre pas ce tableau c'est la répartition de cette distribution au sein même de ces 10%, mais il ne serait pas étonnant que, comme dans une fractale, on retrouve le même schéma distributif.
pauvrete.pngAlors que la France n'a pas connu de récession depuis 2004 (contrairement à des pays comme la Grèce), on voit qu'en dix ans le nombre de personnes pauvres a augmenté à la fois en nombre et en taux. C'est une tendance lourde qui revient de rapport en rapport, d'étude en étude, de statistique en statistique. Cela ne manque pas de nous interroger sur une tendance du type de celle constatée aux États-Unis d'Amérique, évoquée dans ce billet. Pourtant, depuis cette date, nous n'avons pas manqué d'annonces politiques et de ces invectives sur « l'assistanat » qui voudraient nous faire croire que la pauvreté est un choix (alors que la richesse serait un effort). 

« Sois moins ! »

Scultura_nuragica.jpgDes textes tels que l'Iliade montrent une situation sociale de la femme très valorisante : c'est par elle que l'homme obtient titres et pouvoir. Mais à la même époque, ailleurs sur le pourtour méditerranéen, cette situation a déjà changé. Les dieux ouraniens prennent le pas sur les déesses-mères, celles-ci ne sont plus seulement mères et dispensatrices de vie, elles intègrent aussi des connotations négatives, elles amènent la violence et la mort. Au Néolithique semble se cristalliser un renversement des rôles, ou du moins une prise de pouvoir des hommes. L'univers symbolique qui valorise les valeurs attribuées à l'homme et dévalorise celles attribuées à la femme est en place. Il persiste toujours et pourtant nous avons des éléments aujourd'hui qui devraient nous permettre de les revoir.

L'inégalité est un crime contre l'humanité

HomelessParis_7032101.jpgCet article de la revue Nature (en anglais) est tout à fait explicite : la pauvreté obère le développement du corps et de l'esprit, dès les premières semaines du nourrisson.
« How poverty affects the brain » montre les effets délétères de la pauvreté tant sur la mère, plus souvent dépressive à la naissance de l'enfant que dans les milieux aisés, que sur le nourrisson, le bébé, le petit enfant, l'enfant, l'adolescent et l'adulte. La mesure du moindre développement cérébral, des retards de croissance, de la taille adulte diminuée confirme ce qui avait déjà été observé à Londres au XIXème siècle : les ouvriers y faisaient en moyenne 15 cm de moins que les aristocrates.

L'extraordinaire croissance de l'inégalité en Amérique

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« Most Americans would look at these charts and conclude that inequality is out of control. The president, on the other hand, seems to think that inequality isn’t big enough » - beaucoup d'Américains regarderaient ces graphiques et conclueraient que l'inégalité est hors de contrôle. Le président, par contre, semble penser que l'inégalité n'est pas assez importante - ainsi se termine cet article « Our Broken Economy, in One simple chart » du The New York Times du 7 août dernier. Il montre que dans les trois dernières décennies la croissance de la richesse s'est progressivement décalée vers les très très très hauts revenus (les 0,001%) et que même le haut des classes moyennes est perdant.

De la dette à la guerre

baillon.pngLorsque les Européens sont partis à la découverte/conquête du monde, l'organisation sociale chez nous tournait autour de ce que Germaine Tillion a appelé « la république des cousins » alors que la quasi-totalité des peuples que nous sommes allés rencontrer vivaient dans des « républiques des beaux-frères ».
Mon objet ici est de rapprocher ces formes de structuration sociale avec les formes du rapport aux autres qu'elles induisent : pacification par la réciprocité et l'institution du don/contre-don d'un côté (l'interdépendance comme système), pacification par le rapport de forces entre groupes auto-suffisants (l'autonomie comme système). Dans le premier cas l'exogamie est au fondement de la société, dans le second c'est l'endogamie, dans sa forme spécifique du bassin méditerranéen, avec ce qu'elle comporte comme situation de domination de la femme. Ce texte est un essai de rapprochement des hypothèses de Germaine Tillion et des thèses développées par David Graeber dans son livre Dette, 5000 ans d'histoire.

L'empathie, un ancien outil de l'évolution des espèces

Note de lecture

Le livre de Frans de Waal, « L'Âge de l'Empathie » porte un titre qui sonne comme le manifeste d'un devenir linéaire qui serait la prochaine étape de l'évolution humaine. C'est presque dommage tant ce livre marque, à mon sens, un tournant dans la vision du monde qui nous a été proposée depuis Hobbes,  qu'il contredit cmplètement car, comme le montre très bien Frans de Waal, l'empathie - qui pousse à s'intéresser à l'autre - se compte en centaines de millions d'années(1). Si l'empathie est si vieille, et partant, si ancrée dans l'évolution des espèces sociales qui ont conduit jusqu'à nous et en nous-mêmes, pourquoi diable vivons-nous dans un système qui promeut la « guerre de tous contre tous » ?

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Théoriser la différence pour construire l'inégalité, "le sauvage et le préhistorique"

Note de lecture

SauvagePrehistorique.pngMarylène Patou-Mathis s'est intéressée à la construction d'un « Autre », différent, dans la société occidentale depuis que celle-ci a découvert le monde dans son étendue géographique (le sauvage) mais aussi dans son étendue temporelle (le prhéhisitorique) à partir du XVème siècle. L'Europe, où il ne subsistait plus de chasseurs-cueilleurs, découvrait un monde qui en était rempli tandis qu'en son sein on interprétait les ossements d'hommes qui ne pouvaient évidemment pas être antérieurs au Déluge. Qui étaient-ils, des Gaulois ? Assez vite pourtant on va savoir estimer les âges des couches géologiques et tout cela apparaît incroyablement étrange et déstabilisant pour des gens qui se prenaient eux-même pour la crème de l'humanité. Et qui vont tenter de le justifier.
Dans son livre « Le sauvage et le préhistorique, miroir de l'homme occidental » (Odile Jacob), extrêmement fouillé, elle fait preuve d'une érudition sur la question qui fait de cet ouvrage très riche et dense une œuvre majeure dans la réflexion sur les idéologies de ségrégation. C'est un livre passionnant et facile à lire.

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